Entretien avec Marie Sand, portraitiste des émotions

Tout ce que je sais de l’art, ce sont les chevaux qui me l’ont appris.

 

Vous traduisez la sensibilité des amoureux des chevaux au travers de portraits émotions, pourquoi cette démarche ?

J’encourage les personnes sensibles à se connecter avec ce qu’ils ressentent. Je me sers de la nature et notamment du cheval pour traduire en peinture ou dessin les émotions que les gens ont développé dans leurs relations ou avec eux-mêmes.

Notre société associe facilement sensibilité et faiblesse. Pour une personne hypersensible, il est tentant de refouler ses émotions pour se plier aux conventions sociales et s’adapter. Refouler ses émotions revient à se couper de soi-même jusqu’à mettre en danger sa propre santé.

Contrairement à nous, les chevaux sont des experts de leurs émotions dont ils ont fait un atout. En tant que proie, ils ont développé cette aptitude à lire les intentions des prédateurs au travers de leurs sens et agir en conséquence. Ils le font avec les humains. Quand ils sentent que vous n’êtes pas connectés avec votre ressenti, ils sont très déstabilisés. Ils se font le miroir de notre état émotionnel.

Je suis tombée amoureuse des chevaux à 8 ans, et c’est seulement quand j’ai recommencé à dessiner que j’ai compris le rôle vital qu’ils avaient joué dans ma vie. Ils ont été ma bouée de secours car ils parlaient le langage des émotions.

 

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Quel est votre parcours ?

Mon histoire est celle d’un certain nombre de personnes sensibles et créatives. Jeune, j’ai eu peur de ne pouvoir vivre de mon art. J’ai voulu assurer mon indépendance financière en intégrant une école de commerce. C’est plus tard que j’ai suivi une formation artistique et appris, en dessinant tous les jours, à « voir ».

 

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Marie Sand

Adolescente, j’avais du mal à accepter ma sensibilité. Élevée dans une culture judéo-chrétienne qui décourage l’expression des émotions, j’ai tenté de m’adapter au monde en réprimant mes émotions jusqu’à ‘ne plus rien sentir’. Mais à 25 ans, une grave maladie a bouleversé ma vie. C’est là que j’ai repris mes pinceaux et crayons pour ne plus jamais les abandonner. Je me suis rapproché de la nature. J’ai travaillé au WWF. Protéger la nature, c’est protéger notre sensibilité. J’ai notamment côtoyé en Namibie des villageois qui ont appris à vivre avec les grands fauves et une nature hostile. Leur capacité à dépasser la peur et la fierté qu’ils retirent de vivre avec la nature m’ont beaucoup influencée.

Comment avez-vous développé cette approche ?

Cela fait 15 ans que je dessine et peins. Cela s’est fait au fil du temps mais je me souviens d’un événement très important dans la genèse du portrait émotion : J’étais dans mon appartement.

Je travaillais au fusain. Je dessinais de mémoire, pratique essentielle pour savoir dessiner. Ce cheval apparaît. Alors que le dessin prenait forme, l’odeur très distincte des écuries m’a soudainement envahi le nez. J’étais en train de sentir l’odeur des chevaux de mon enfance! Je ne dessinais pas seulement avec mes yeux mais avec mon nez, mon toucher, avec tous mes sens ! J’ai suivi ce fil conducteur et je me suis rendue compte que je pouvais mettre mes sens au service des autres.

Beaucoup de gens me disent que mes œuvres sont très expressives, c’est parce que je crée à partir des émotions comme c’est le cas pour Jackie qui a transformé des moments émotionnels de l’adolescence en souvenirs de bonheur lors de notre travail ensemble.

Site web www.mariesand.com